Je voulais
connaître mes limites je ne les connais
toujours pas !
Si je veux que
mon aventure soit publiée, c’est pour
prouver à tous les fondus de la course à
pied qui ont participé glorieusement aux
compétitions et qui sont maintenant dans le
doute et la régression, qu’il y a un après.
Je me souviens avoir entendu un jour une
phrase : « Etre sur la ligne de départ est
déjà une victoire. Passer la ligne d’arrivée
c’est avoir gagné ».
Je cours depuis 1987 toujours avec la même
passion. Je me suis laissée prendre au jeu
et bien sûr j’ai voulu comme la plupart ‘’
péter des chronos’’.
• 25 marathons parcourus dont 18 en moins de
3h30 avec un record en 3h17 (zut je n’ai
jamais atteint les 3h15 !!!).
• 16 Marvejols Mendes avec un record en
1h57, une course magnifique dans une
ambiance très festive.
• puis des centaines de semi et de 10 kms.
Au cours de toutes ces années j’ai eu 2
rêves fous : celui de participer au marathon
de New York (ça c’est fait) et de terminer
ma carrière sportive par un 100 bornes.
Puis le temps à passer (sans arrêter de
courir bien sûr) avec la forme du moment et
beaucoup de doutes dans ma tête. J’étais
persuadée que c’était fini que je n’aurais
plus jamais ces bonnes sensations tout ce
plaisir à fouler le sol.
Le hasard, s’il existe vraiment, a bien fait
les choses. En ce qui me concerne, j’ai
rencontré une personne qui m’a remise sur
les circuits et m’a fait comprendre qu’il
fallait tout simplement voir les choses
autrement, se poser les bonnes questions. Il
m’a dit « tu te rends compte tout ce que tu
as accomplis, je suis sûr que tu vas faire
encore de belles choses. Mets tout ce que tu
as fait de côté, oublie tes chronos et fais
toi plaisir de toute façon c’est ta passion
de courir alors vis au présent et fixe toi
des objectifs moins ambitieux ».
Ma route a fait qu’un soir de réveillon j’ai
croisé Jean Mi, un cinglé des 100 bornes et
il savait bien qu’au fond de moi c’était
l’un de mes fantasmes. Alors après une
longue discussion et (plusieurs verres de
champ’) j’ai senti que c’était le moment,
l’aventure allait prendre réellement vie.
Jean Mi m’avait parlé de la méthode Cyrano
et j’avoue que cela me laissait perplexe. Je
me disais « je cours moi je ne sais pas
marcher ». J’ai trouvé sur un site le plan
de Philippe Propage proposant une prépa pour
un 80 km trail, je l’ai trouvé très
intéressant, c’est donc celui-là que j’ai
choisi. Pendant 12 semaines je l’ai appliqué
à la lettre mais surprise, quelle
alimentation adapter pour ne pas avoir de
soucis digestifs. Prendre tout simplement ce
que j’ai l’habitude de boire et bien
s’hydrater. J’ai essayé les produits solides
mais sans conviction et sans résultats
positifs non plus.
Pour ma sortie de 6 h d’entrainement, j’ai
choisi d’aller à Theillay et me suis engagée
sur le 100 kms pour ne pas me retrouver
toute seule comme les précédentes sorties de
4 et 5 h où j’ai trouvé le temps long malgré
mon MP3.
Je me suis mise sérieusement et tout de
suite dans le bain afin de pouvoir gérer
sans rien oublier le jour J pour mon
accompagnateur et moi. Cela a été une
épreuve très importante pour moi car j’ai
découvert le manque de sel !
J’avais la peau toute saupoudrée de sel à
l’arrivée ! Marrant mais pas drôle. Je me
suis dit « il va falloir que je trouve la
solution rapidement. Ce sera l’eau de Vichy
et des tucs sur le conseil de plusieurs 100
bornards ».
La période de doute s’est installée et je ne
peux compter que sur moi pour garder la
positive attitude. Style : Tu te rends
compte, tu es folle à ton âge (63 ans et oui
déjà !) réfléchit bien tu n’es plus toute
jeune etc. etc. Peut-être ont-ils raison ?
Je ne
leur en veux pas je pense qu’ils tiennent à
moi.
J’ai beaucoup de chance d’avoir un mari qui
me soutient à 100% et qui me rassure et
m’encourage pour ne pas baisser les bras.
D’ailleurs il va être mon Binôme !
Les entrainements passent sans difficultés
mais frustrée tout de même car ce qui me
plait avant tout dans la course à pied c’est
le goût de l’effort.
Les derniers jours paraissent une éternité
car il faut lever le pied et j’ai
l’impression de ne plus rien faire.
J – 1, j’ai l’impression que c’est une autre
qui va chercher son dossard et son maillot
(je ne le porterais que si je le finis !).
Lorsque l’on me demande quel temps comptes
tu mettre, je réponds « Le finir ce serait
bien et si je mets 15 h je serais contente
».
Ligne de départ :
Il fait froid 8 °. Nous partons tous en
marchant environ 1 km pour le fun et puis
dans un brouhaha le top est donné.
Je m’enferme dans ma bulle et respecte le
tempo de 2km700 courir pour 300 m marcher.
Je retrouve facilement mon mari au 8ème
kilomètre et la grande aventure commence.
L’ambiance est géniale tout le monde
plaisante et le paysage qui défile devant
nous est superbe. Je me sens bien si ce
n’est qu’un petit souci au niveau de la
chaussure et je me dis que je vais attendre
le marathon mais aussitôt une petite voix
bienveillante dans ma tête me dit change de
chaussures et de chaussettes tout de suite.
Effectivement c’est magique, ça repart comme
si de rien n’était. Mais j’ai perdu du temps
à enfiler une chaussette de contention
efficace mais sur la peau humide pas top. Du
coup j’ai changé que d’un côté ce qui fait
bien rigoler les coureurs de mon nouveau
look.
La côte pour arriver au viaduc de Millau est
d’environ 6% sur 6 km. Elle est raide et je
vois plusieurs coureurs faire demi-tour. Il
faut dire qu’il fait super chaud 26°.
Combien de temps va durer cette chaleur
accablante encore au moins 3 ou 4 h.
Le temps passe vite. Je suis toujours à
l’écoute de mon corps et maitrise bien la
situation. Une grande descente sur St
Afrique et là je me lâche et oublie un peu
le rituel de Cyrano de toute façon dans
l’autre sens ça grimpe fort et ils marchent
alors autant que j’en profite un peu. Le
panneau de St Afrique me fait verser ma
larme je suis super heureuse d’être arrivée
jusque-là.
Je m’arrête au ravito et surprise je ne peux
plus rien avaler, mon corps refuse tout !
J’ai beau essayer ça reste dans ma bouche
presqu’à vomir. Je repars sans manger avec
des questions pourquoi comment etc. etc.
Heureusement j’ai de la boisson de l’effort.
Alors j’en prends régulièrement des petites
gorgées avec bien du mal.
Nouveau ravitaillement et là oups ça tourne,
je me sens bizarre, l’hypo me guette je le
comprends tout de suite. Je vais vite
prendre du pain et du jambon et je mange
comme un petit oiseau des petites miettes
avec la boisson. Mon mari me demande si je
peux continuer et me mets en garde. La nuit
est arrivée et pas question de me retrouver
parterre sur le bas-côté de la route avec un
malaise.
Il a raison. Je fais vite l’état des lieux
et repart tranquillement tout en mangeant
mes petits morceaux de pain qui commencent
par magie à me faire beaucoup de bien.
La nuit nous a enveloppées, le calme, plus
un bruit, plus un son, des petites lumières
comme des lucioles autour de nous et parfois
dans un village, des éclats d’encouragement,
de la musique, des bravos puis la nuit de
nouveau, des côtes, des descentes et le
viaduc ! Le revoilà dans la nuit à peine
visible puis la descente sur la ville tout
illuminée ! Il y a bien longtemps que j’ai
abandonné la méthode Cyrano car plus de
lumière pour voir l’écran, d’ailleurs mon
GPS a rendu l’âme avant moi. Si j’avais su
qu’un jour je ferais un 100 km j’aurais
acheté un GPS avec grande autonomie !
Je cours comme une folle, j’ai l’impression
de faire du 17 km/h, en vérité je fais un
petit 11 km/h, hihihi.
Mon mari me dit « et la marche tu n’en fais
plus ? »Oui c’est vrai il a raison car 4 kms
de faux plats m’attende en arrivant.
Les kilomètres défilent à vue d’œil comme si
j’avais effacé tout ce que j’avais accompli
avant puis voilà l’entrée. Une première
arche puis une deuxième il y a presque
personne je suis un peu déçue la surprise
est un peu plus loin lorsque l’on me dirige
vers la salle et là surprise j’arrive
directement sur un tremplin où la foule nous
ovationne comme des héros. J’entends mon nom
au micro et mon temps. Je n’y crois pas je
l’ai fait, j’ai réussi. !
Petit bémol à l’arrivée, une crampe au
mollet et des tremblements, mon portable
n’arrête pas de sonner car mes potes m’ont
suivie sur internet toute la soirée.
Puis une bonne soupe chaude à l’arrivée et
le film qui va continuer à défiler une bonne
partie de la nuit dans ma tête. Je ne
réalise toujours pas ce qui vient de
m’arriver.
Je voulais connaître mes limites je ne les
connais toujours pas !